Comité Départemental de Spéléologie du Jura Fédération Française de Spéléologie |
Hommage à Jean-Claude FRACHON |
Information de Pierre Pétrequin, 20 avril 2006
Archives et bibliothèque de Jean-Claude Frachon Les archives personnelles et la bibliothèque de Jean-Claude Frachon ont été déposées au Service Départemental des Archives du Jura , Impasse des Archives, BP 14, 39570 MONTMOROT Tél. : 03.84.47.41.28 / Fax. : 03.84.43.05.41 où elles sont consultables aux horaires d'ouverture au public, c'est-à-dire du lundi au vendredi, de 8h 30 à 12h 00 et de 13h 15 à 17h 15. D'ores et déjà, l'ensemble des documents est identifié sous la cote 109 J "Fonds Jean-Claude Frachon", la série J correspondant à l'entrée de documents par voie exceptionnelle, ici une donation par Anne et Aline Frachon, les deux filles de Jean-Claude. L'ensemble du fonds est communicable suivant les prescriptions légales de communication adaptées aux documents des Archives départementales, conformément à la loi n° 79-18 du 3 janvier 1979. Dans le cas de la reproduction, les mêmes règles sont appliquées que celles prévues pour les archives publiques et privées, dans la mesure où cela n'altère pas l'écriture ni le support des documents. Au contraire, toute reproduction de registres et d'ouvrages publiés est interdite. Il n'est pas inintéressant de préciser, en quelques lignes, comment et pourquoi ce transfert a été réalisé aux Archives départementales du Jura. En novembre 2005, j'ai proposé de me charger de l'inventaire et du devenir de ce fonds très important d'archives spéléologiques régionales. Pour comprendre cette proposition, il faut savoir que, au moins pendant le temps de nos études universitaires à Besançon, Jean-Claude et moi partagions quelques passions, en plus de la spéléo au sens strict : l'une d'entre elles touchait à ce besoin forcené de connaître l'origine des choses et à une curiosité mal maîtrisée pour la masse de documents et de publications souvent peu exploités qui concernaient la géologie, la karstologie, la préhistoire. Derrière le Jean-Claude décontracté qui, à cette époque, s'affichait encore avec la collection complète (et le style) de Lucky Luke, fumant la pipe et se nourrissant de romans policiers (mais surtout en public), se cachait un féru des approches historiques, un ardent lecteur de littérature grise, un passionné de l'écrit et de son évolution au cours des siècles. Il nous apparaissait alors que depuis le début du XIXe siècle, l'essentiel de ces documents publiés était resté inutilisé et les connaissance dispersées. Ce serait le rôle de Jean-Claude de faire le tour des données spéléologiques et de concentrer l'information en un seul point (sa chambre d'étudiant d'abord, puis son bureau), tandis que je me chargerais de ce qui était préhistoire régionale, en présage de ma future orientation de chercheur au CNRS. Et c'est ainsi que Jean-Claude, pendant plus de quarante ans, a collecté tout ce qui touchait aux grottes, au karst et à la géologie du Jura plus particulièrement, mais aussi de l'ensemble du massif jurassien. A l'origine destiné à un projet jamais accompli (un véritable inventaire spéléologique du département du Jura), ce fonds documentaire devait (sans difficulté aucune) concurrencer l'inventaire de J. Colin publié un peu vite par le BRGM. Même resté inédit, cet inventaire du Jura est devenu une référence obligée pour tout scientifique qui s'intéressait au sous-sol de la région : dans son bureau -et surtout dans sa mémoire phénoménale pour tout ce qui touchait à sa passion- Jean-Claude vous sortait tel ou tel document, parfois à diffusion très restreinte, justement celui que vous cherchiez depuis des années, ou bien telle information inédite, collectée au hasard de la vie et couchée par écrit pour ne pas risquer d'être à nouveau perdue. Jean-Claude est ainsi peu à peu devenu la mémoire centrale de la spéléologie du Jura ; jusqu'à sa mort à l'âge de 62 ans, il a continué à gonfler prodigieusement cette base documentaire, même si, dans les dernières années, la tâche a commencé à devenir démesurée pour un seul individu, quelle qu'ait été sa puissance de travail. A la mort de Jean-Claude j'ai accepté cette responsabilité de gérer -ou plus exactement de réorienter- un fonds documentaire qu'il n'est pas outré de qualifier d'exceptionnel. Jean-Claude n'avait jamais dit grand-chose du devenir de ses documents et de ses livres, accumulés parfois sur deux rangs- dans des étagères surchargées- ou empilés au sol ; le seul souhait clairement exprimé était la constitution d'un fonds unique (au sens de non divisé) accessible à tous (et que je me suis permis de traduire : au plus large public). Avec l'accord d'Anne et d'Aline, Anne-Marie Pétrequin, Françoise Frachon et moi avons fait l'inventaire de ce qui touchait à la spéléo et à la géologie : au total 14 mètres linéaires de papier écrit, imprimé, impressionné, cousu, relié, dissocié, qu'il a fallu conditionner par thèmes et décrire, de sorte que le fonds puisse rapidement devenir utilisable, donc consultable. Je me souviendrai de ces quelques longs week-ends enneigés passés cloîtrés entre de hauts rayonnages qui n'en finissaient pas de s'alléger (et qui ne sont toujours pas vides, loin de là). Mais la question essentielle restait en attente : où déposer ce fonds documentaire pour qu'il reste non divisé et consultable par tous. En tant que chercheur de profession, je sais par expérience qu'en France les Archives départementales offrent les meilleures conditions de conservation et d'accessibilité au public, car il s'agit d'institutions officielles entre les mains de professionnels formés à ce travail, dans le cadre d'une volonté explicite de gestion à long terme. Mais ce n'était pas à moi seul de décider de l'avenir des archives et de la bibliothèque de Jean-Claude. Nous avons alors rapidement exploré deux autres pistes : - la Fédération Française de Spéléologie, en particulier la Commission Documentation et la Bibliothèque à Lyon. A certains spéléos, restait, semble-t-il, un goût amer de fonds documentaires volatilisés. Quoi qu'il en soit, les contacts pris via le Net ont montré que le public (en ma personne, pour prendre un exemple) ne pouvait pas consulter la base documentaire sans acquitter au préalable une cotisation, ce qui se conçoit pour une association, mais en conséquence est une forme d'exclusion des non-initiés. Un examen un peu plus détaillé permettait d'ailleurs de se tourner vers la véritable base documentaire qui est celle, semble-t-il, de la Société Suisse de Spéléologie, dont la bibliothèque est installée au sous-sol de la Bibliothèque de la Chaux-de-Fonds depuis 1982. Pour ces différentes raisons, le projet d'un don à la Fédération Française de Spéléologie n'a pas été retenu. - La Bibliothèque de la Société Suisse de Spéléologie (http://www.speleo.ch/commissions/library_F.php) affichait, à juste titre, de bien meilleurs atouts, en particulier une grande proximité avec le Jura français, un statut administratif officiel et la possibilité de prêt par correspondance ou de demande de photocopies, en plus d'une consultation possible sur place. Mais, plus amples renseignements pris, cette bibliothèque n'aurait pu recevoir le fonds Jean-Claude Frachon qu'à la condition que les héritiers fassent d'abord procéder à l'évaluation financière de la bibliothèque, avant déclaration en douane de tous les documents. Je laisse le lecteur juger des implications d'une telle procédure lourde pour sortir d'Europe et entrer en Suisse. Jean-Claude en aurait certainement fait un fromage, avec quelque raison. L'intention de dépôt outre-Jura s'est donc arrêtée là. Restait l'hypothèse première : le dépôt aux Archives Départementales du Jura à Lons-le-Saunier. A cette hypothèse il y avait bien des avantages : la proximité géographique -d'autant, qu'explicitement, le fonds Frachon est un ensemble documentaire à valeur régionale prépondérante- ; la facilité des conditions de dépôt -et nous devons souligner la qualité de l'accueil fait à ce projet- ; la certitude de pouvoir travailler dans la longue durée -car c'est, par définition, le statut des documents dans les Archives départementales-. En fin février 2006, le fonds Jean-Claude Frachon a rejoint les Archives du Jura. Bien sûr, tout n'a pas encore été trié dans le fameux bureau de Colonne ; mais la suite est moins urgente et concerne les documents plus personnels, comme les photos, ou très volumineux, comme certaines topographies originales. Leur temps viendra aussi, plus lentement. Pour résumer, le fonds Jean-Claude Frachon a été divisé en trois parties : - 2 mètres linéaires de manuscrits, numérotés par dossiers sous l'abréviation FR. Concerne essentiellement des documents inédits, en particulier l'inventaire spéléologique du département du Jura, avec listings, topographies et références bibliographiques ; - 3,65 mètres linéaires correspondant au fonds régional (intitulé Région), entendons la Franche-Comté et le massif jurassien. Essentiellement des documents publiés (mais pas seulement) concernant la spéléo, mais aussi plus largement les études géologiques et les approches du karst ; - 5,85 mètres linaires d'ouvrages de spéléologie hors massif jurassien (abréviation SG), auxquels s'ajoutent 2,30 mètres de périodiques nationaux. Cette section du fonds est infiniment plus diversifiée et concerne aussi bien des acquisitions personnelles (tous ces "vieux" classiques qui ont bercé l'imagination des adolescents de cette génération), que des incontournables de la littérature scientifique dans ce domaine. Mon point de vue est que ce fonds n'est pas seulement exceptionnel par son importance numérique (il vaudrait mieux dire volumétrique, tout en comprenant parfois pléthorique). Le fonds Jean-Claude Frachon représente une mine régionale qui attend maintenant ses chercheurs, équipés d'un portable et d'un bon scanner. Ce fonds est également -et ce n'est peut-être pas son moindre intérêt- un véritable état de l'art (dans le domaine de la spéléologie) pour la 2ème moitié du XXe siècle. Il offre enfin ce que nous n'avons jamais eu au moment où nous en ressentions le plus le besoin : l'accès direct à un siècle de documents, depuis les coupures de journaux jusqu'aux articles scientifiques les plus obscurs. L'importance n'en est pas mesurable dans un monde à évolution galopante où l'on tend trop souvent, sans base documentaire, à réécrire l'histoire à défaut d'être à même de la penser à nouveau. L'importance ne peut pas davantage en être niée dans un monde tellement complexe qu'il faut bien chercher à s'y intégrer autrement, par le biais de ces passions exclusives qui ne servent à rien d'autre qu'à vivre en société. En notre nom à tous, qu'on me permette de remercier Anne, Aline et Françoise Frachon. Pierre Pétrequin Laboratoire de Chrono-écologie, CNRS et Université de Franche-Comté
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