Comité Départemental de Spéléologie du Jura Fédération Française de Spéléologie |
Hommage à Jean-Claude FRACHON |
Lettre de Claude Mouret, 29 avril 2006
A la mémoire de Jean-Claude Frachon Je fus stupéfait par la nouvelle du départ de Jean-Claude, et très ému aussi. Du fond de la Libye où je me trouve actuellement, je partageais très vite avec " la Fédé " mon souhait qu'on lui rende un hommage tout à la hauteur de l'œuvre -immense- qu'il a accomplie. Bien entendu, de nombreux autres spéléologues souhaitaient la même chose et je ne saurais trop remercier ici tous ceux qui ont entrepris cette tache d'envergure, comme l'était l'envergure de Jean-Claude. Jean-Claude habitait le Jura et moi l'ouest de notre pays. Bien que le connaissant de longue date par ses écrits, mais séparé de lui par ce qui était alors la barrière géographique du Massif Central, je le rencontrais pour la première fois à Lyon en 1981, lors d'une réunion nationale de la commission de Documentation de la Fédération. Je découvris alors la dimension réelle du personnage, avec déjà sa culture bien établie, ses nombreuses explorations, et ses formidables coups de gueule. Jean-Claude nous lut à table le midi quelques échanges de courrier " bien sentis " avec d'autres responsables fédéraux, qui nous donnèrent la mesure. Je repartais en tous cas avec l'image d'un spéléo d'envergure, très impliqué dans la Fédération, montrant à la fois une grande confiance en lui et une sorte de modestie presque naïve, mais fort sympathique, qui pouvait étonner. Je le revois parler de ses débuts : " Comment, " disait-il, " les grands de la Fédé peuvent-ils se tourner vers moi qui suis encore un jeune, alors qu'eux ont déjà tellement d'expérience ? ". En même temps, il en était très flatté et ce mélange de modestie et de satisfaction lui donnait un coté attachant. En fait, Jean-Claude était un être d'exception, je l'ai souvent perçu par la suite. Je le revis lors de l'Assemblée générale de Paris en 1988, après mon long séjour en Asie du Sud-est. Il figurait parmi les grands électeurs et souhaitait organiser un stage administratif pour les nouveaux élus fédéraux. Son attitude très présente montrait sa grande connaissance des rouages fédéraux. Je le côtoyais plus souvent après mon entrée au Bureau fédéral en 1988 comme vice-président. L'époque était houleuse et Jean-Claude était clairement dans l'opposition. La gestion financière du Centenaire de la spéléologie en 1988, liée au Bureau précédent, était en cause et Jean-Claude et quelques autres menèrent une attaque de front contre les responsables de cette gestion. Etant parti en Chine un bon mois pour des explorations, j'eus la demi-surprise à mon retour d'apprendre que j'avais été intronisé nouveau président de la Fédé, à confirmer par la prochaine assemblée générale, ce qui fut fait haut la main. Au cours de ces années, j'ai beaucoup côtoyé Jean-Claude. On ne peut pas dire qu'il y ait eu une opposition lors de mon mandat, donc mes croisements de fer avec Jean-Claude furent très peu nombreux. Pourtant, à l'occasion d'évènements particuliers de la vie fédérale, j'ai vu Jean-Claude " piquer des colères homériques ". Ceux qui étaient visés devaient alors se montrer très très persuasifs pour le convaincre. En fait, Jean-Claude avait souvent une vision juste des choses. Il analysait efficacement avec rapidité et son argumentation était " musclée " et démonstrative. Il appréciait beaucoup la justesse des raisonnements et la qualité de ses interlocuteurs. Un jour, un jeune, ayant voulu lui dire qu'il avait tord et cela sans avoir d'arguments suffisamment solides, fut très vertement réprimandé devant tout le monde, et traité de " petit " avec un ton méprisant. Le jeune en fut quitte pour approfondir sa réflexion. Jean-Claude était très soucieux de la qualité des travaux effectués pour la Fédé et s'insurgeait lorsque les gens lui paraissaient quelque peu désinvoltes, voire peu assidus à leur tâche. Je ne peux cependant relater ici, en quelques mots, tous les aspects de la personnalité de Jean-Claude, tant elle était riche et variée, et parfois complexe. J'en retiens toutefois l'image d'un homme secret au grand cœur, qui ne supportait pas la médiocrité. Prêt à aider, il savait aussi soigner ses propres activités. Son œuvre immense le démontre amplement. Je revois aussi Jean-Claude au congrès international de Budapest en 1989. Au-delà de ses activités studieuses, il n'hésita pas à se montrer à la hauteur au cours de mémorables concours de " Captain Paff ". Mon retour en Asie du Sud-est pour plusieurs années me coupa de lui. Ensuite, je le revis de temps à autres, dans les congrès notamment, en Suisse en 1997 et, après être rentré, en France à partir de 1999. Je fus particulièrement heureux de le voir proposé comme " Membre d'honneur " de la Fédération et élu. Je pensais que son long engagement au service de la spéléologie méritait bien cela et que c'était une juste récompense, bien qu'il y ait eu quelques rumeurs ponctuelles à son sujet. Personne n'est parfait et puis ce n'étaient que des rumeurs. Le positif l'emportait si largement ! Comme tous, je fus abasourdi par la nouvelle de son départ. Comment un tel personnage pouvait-il s'en aller comme cela ? Si tôt ? Jean-Claude était quasi complet dans son profil de spéléologue et avait pratiqué presque tous les aspects de la spéléologie. Je pense que l'ouvrage qui accueille cette modeste note le montre largement. Je me suis toujours demandé pourquoi il n'avait pas souhaité accéder au Bureau fédéral. Peut-être son coté technicien y était-il pour beaucoup. On l'a vu au Comité directeur fédéral, mais c'était plus pour défendre les commissions fédérales, dont il était, que pour gérer tous les aspects de la vie nationale. Ceci ne l'a cependant pas empêché de s'impliquer dans la discussion des dossiers. Peut-être craignait-il quelque difficulté élective en raison de ses prises de position tranchées, ou bien cela ne l'intéressait peut-être pas vraiment, car je pense que s'il avait voulu, il aurait pu. Les préoccupations nationales -politiques- étaient-elles trop éloignées de la technique à ses yeux ? Il a pourtant pris de grosses responsabilités au niveau de commissions nationales et internationales. Je retiendrai de Jean-Claude l'image d'un homme de qualité, en qui j'avais confiance. Son incroyable érudition était facilitée par une belle mémoire et il " connaissait tout ". Ces caractéristiques sont parfaitement cohérentes avec son horreur de la médiocrité. Il avait touché à presque tous les aspects des techniques de la spéléologie et n'a eu de cesse de la promouvoir. Il nous a laissé une œuvre. Le départ de Jean-Claude laisse un grand vide dans la spéléologie, mais il aimerait que nous continuions la tâche, comme il l'aurait fait. Adieu, Jean-Claude, nous avons perdu un ami. Claude Mouret, ancien Président de la FFS |