Comité Départemental de Spéléologie du Jura

Fédération Française de Spéléologie

Dimanche 13 avril 2014

les Enfants de la Lune à la Borne aux cassots

 

Clichés de Serge Caillault et François Jacquier - Cliquez pour obtenir un agrandissement

 

 

[article à paraître dans Spelunca]

 

Offrons-leur la lune ! Parce qu’ils le valent bien…

 

Alors que ce dimanche 13 avril, des milliers de Jurassiens profitaient de la douceur remarquable que leur offrait ce soleil printanier, quelques enfants s’apprêtaient à plonger dans les ténèbres. Car si sur terre, la lumière c’est la vie, pour eux c’est une menace mortelle.

Ils sont les « enfants de la lune », pour lesquels une maladie génétique rare interdit toute exposition au rayonnement ultra-violet, c’est-à-dire tout simplement à la lumière du jour. Sans protection, ils ne vivent que cloîtrés dans des espaces fermés ou protégés des UV. Interdiction d’ouvrir la fenêtre pour regarder la vie dehors, ou de sortir dans la cour de récréation sans gants et sans masque, pas de short en été…

Sauf la nuit ! C’est sous la lueur de la lune qu’on peut voir ces enfants jouer sur la plage ou dans les jardins publics, quand il n’y a plus d’autres enfants pour jouer.

Des gens qui par nécessité vivent dans l’obscurité, cela ne pouvait qu’intriguer les spéléologues qui eux en rêvent. Et c’est en 2003 qu’Alain Soubirane, du Groupe Spéléologique Valentinois lance cette idée folle en apparence : « il faut emmener les enfants de la lune sous terre ! ». Et depuis, chaque année au printemps, le club accompagne quelques enfants (et adultes) dans des grottes et gouffres du sud de la France.

2014 est une année particulière puisque l’ANECAT (Association nationale des exploitants de cavités aménagées pour le tourisme) s’implique, en déclarant le week-end des 12-13 avril « première journées nationales des grottes touristiques », et en annonçant reverser une partie des recettes de ces deux jours à l’association des « enfants de la lune ». Un groupe d’enfants est justement invité à la grotte des Moidons.  Le groupe Spéléo Valentinois quitte le sud de la France pour le Jura…

Contact est pris avec Rémy Limagne, président du Comité Départemental de Spéléo du Jura, car après la grotte aménagée, il faut un terrain d’aventure pour ces enfants, une vraie exploration spéléologique.

Le site idéal est rapidement identifié : la Borne aux Cassots à Nevy sur Seille. Il y a des passages étroits, une rivière souterraine, de longues galeries, et surtout une belle salle sèche pour le pique-nique. Il faut de l’encadrement en nombre : pas moins de douze spéléos de plusieurs clubs jurassiens répondent présents.

Dimanche 10 heures du matin, c’est la rencontre sur le petit parking verdoyant de la grotte. Ils sont trois, ils sont tout petits, de 5 à 7 ans, revêtus de leurs gants, cagoule et masque anti-UV, sous le soleil qui commence à chauffer. Des familles sont là également, qui participeront à l’exploration. Au total, 25 personnes se retrouvent sous le vaste porche de la grotte. Mais ici il fait encore jour, il faut aller plus loin. En avant les enfants. On se baisse un moment, un coude de la galerie, et ça y est, on est dans l’obscurité totale, c’est le moment de la délivrance : tombez les masques !

Les visages apparaissent enfin à l’air libre. On enfile des combinaisons bien trop grandes, des petites bottes, et le masque laisse la place au casque spéléo. Ryan et Ibrahim n’ont peur de rien : ils seront les guides et marchent fièrement en tête dans la galerie horizontale de plus en plus spacieuse. Mais après une descente sur une échelle, la galerie est occupée par 50 cm d’eau, et là les épaules des spéléologues s’avèrent bien appréciées pour éviter le bain.

Certains passages sont difficiles pour des enfants de cette taille, mais ils font preuve d’une agilité surprenante pour se mouvoir dans la pénombre. Leur adaptation au monde de la nuit est remarquable. Il faut même les freiner ! Ici, leur handicap devient un avantage. Ils réussissent mieux que les autres, et c’est bien là tout le succès de cette opération.

Après bien des roulades dans la boue et glissades dans l’eau de la rivière, toute l’équipe arrive dans la grande salle des Dunes pour un pique-nique partagé. Nous sommes à 500 mètres de l’entrée de la grotte, et il est temps de faire demi-tour. Le retour se déroule dans le même enthousiasme, mais avec davantage d’assistance car la fatigue est là : en un peu plus de trois heures, les enfants ont parcouru un kilomètre sous terre.

Mais à quelques mètres de la sortie, il faut bien sûr s’arrêter. Car dehors les rayons menaçants du soleil sont toujours là. Il faut retirer le casque, et remettre le masque… Sévère pincement de cœur pour les accompagnateurs qui, eux, vont bientôt savourer lumière et chaleur. Mais apparemment pas d’émotion particulière pour les enfants qui semblent tellement habitués à ce rituel, qu’il fait partie pour eux de la vie quotidienne ordinaire.

Les spéléos ont été impressionnés par la volonté et l’endurance de ces enfants. Une autre volonté émerge tout naturellement : leur offrir de nouvelles occasions de découvrir le milieu souterrain. A eux, et à d’autres. Nul doute qu’il y aura une suite à cette journée exceptionnelle.

Rémy Limagne

 

 

Lu sur Facebook !

« Emmener des enfants de la Lune sous terre est une belle expérience! C'est super que vous ayez fait ça »

« Bravo les spéléos ! Quelle action merveilleuse ! »

« Superbe action. Bravo pour ce partage d’expérience de vie... »

 

 

Pour en savoir plus…

Enfants de la Lune

34 rue de la République

01200 Bellegarde sur Valserine

http://asso.orpha.net/AXP

 

Groupe Spéléologique Valentinois

http://speleogsv.free.fr

 

Rémi GRANIER, 2012, « Enfants de la Lune, dix ans déjà ! » Spéléo Magazine n°78, juin 2012, p. 12 à 15.

 

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